So no one told you life was gonna be this way.Your jobs a joke, you're broke.

Anton & Alek ♪♫

Je jetais un coup d’œil à ma montre, neuf heure vingt-huit. Je prenais quelques secondes pour observer l'aiguille se mouvoir. C'était nouveau pour moi d'être levé à cette heure ci. Enfin pas nouveau parce qu'avant je me levais bien plus tôt que ça, mais nouveau depuis quelques temps. Je n'émergeais jamais avant midi selon le niveau d'alcool que j'avais dans le sang, ingurgité la veille dans mon qg. C'était difficile le lendemain de se lever, de marcher normalement mais surtout d'ouvrir les yeux. Mais ça, c'était avant. C'était avant mon envie de recommencer, d'aller de l'avant et de reprendre mon travail. Ça c'était avant Emily. Je passais mon t-shirt, apréciant la fraicheur du tissu contre ma peau. Depuis combien de temps mes fringues n'avaient pas sentis aussi bon ? Impossible de me souvenir. C'était ça avoir une femme dans sa maison ? C'était de la vaisselle complète sur la table pour manger, et pas un plat à emporter. C'était des serviettes sur le porte-serviette et non par terre. C'était des fringues lavés régulièrement. Non pas qu'elle était ma bonniche, mais je lui avais dis de faire comme chez elle ici. Et parfois j'en profitais. A croire que sa présence m'était plus bénéfique que je le pensais. Je passais une ceinture dans les passants de mon jean, serrant la boucle pour la fermer. Rien qu'une ceinture et j'avais l'impression d'être quelqu'un d'autre. J'enfilais un pull avant de sortir de la salle de bain.
J'avais retrouvé une sorte de motivation. J'avais envie de sortir de chez moi, de respirer de l'air frais. Je voulais être différent, et arrêter d'être celui qu'on prend en pitié. Au fond de moi, je savais que j'aurais toujours cette peine mais je n'étais pas le seul.  Lentement, j'avais pris conscience que d'autres personnes autour de moi avaient des problèmes, que j'étais trop concentré sur ma petite existence pour le voir. Ma Nastia, ma sœur. Elle n'allait pas bien ou du moins je le supposais, et je n'avais pas cherché à savoir pourquoi. Morgan, ma co-équipière, ou encore Zoey, j'avais repoussé celles avec qui je travaillais depuis un moment, celles qui s'étaient montré patientes. Il fallait que ça change. Et pour ça j'avais besoin d'aide.

Je versais de l'eau fraîche dans la gamelle de Pasha, lui grattait derrière les oreilles avant d'enfiler ma veste et de sortir. Je restais sur le perron quelques minutes, appréciant le soleil des jours polaires monter dans le ciel. Il faisait bon. Je pris la direction du centre à pieds, inspirant cet air qui m'avait manqué. Quand je marchais, j'avais l'impression d'avoir un poids en moins sur les épaules. Je savais que je ne pouvais pas regagner l'estime des autres du jour au lendemain. Pendant presque deux ans, je n'avais été que l'alcoolique de service, le gars indigne de son insigne et le looser. J'avais été un protecteur de la ville, du pays , le genre de gars qu'on regardait avec respect et non avec pitié. Je me dirigeais vers le Loose Moose Cafe. J'avais mes habitudes là-bas avant. A chaque fois que j'allais travailler, je m'arrêtais pour prendre des cafés ou des pâtisseries. Ça me mettait de bonne humeur de voir mes collègues féminines mener un combat intérieur sur les calories des donuts, avant de finalement les engloutir en gémissant. Moi je n'avais pas ce genre de peur, je les mangeais un point c'est tout. Je m'adossais à la vitrine, sortant une cigarette de mon paquet dans ma poche. Il ne devrait pas tarder. Je tirais sur le clope, savourant la dose de nicotine. J'avais clairement réduit la dose mais je ne pouvais pas encore me stopper complètement. Les habitants passaient devant moi, allant je ne sais où sans me prêter attention. Je devenais invisible à leur regards et ça faisait du bien. Je n'étais plus quelque chose qu'on pouvait critiquer. Encourageant. Du coin de l'oeil je vis une silhouette s'approcher. Je jetais ma clope et l'écrasais du bout du pied avant de me tourner vers mon ami. « Alek ! Salut mec !» Je lui offrais un sourire sincère. J'étais content de le voir, il était également pour beaucoup dans mon nouveau comportement. Je lui tendais la main en ajoutant « Ça faisait un bail.»