Don't cry because it's over, smile because it happened.
« Quoi ? » « Tu as parfaitement entendu. » « Mais… » « Ça suffit Xiang, va faire tes cartons ! » Il observait son père avec la mâchoire complètement serrée, le défiant du regard en serrant aussi fortement ses poings. Il n’avait qu’une envie à vrai dire, c’était de lui écraser son poing dans la figure. Ce n’était pas normal à ses yeux de devoir subir ça encore. Certes, il était trop petit pour se souvenir parfaitement de son départ d’Hong Kong, mais c’était pareil dans sa tête. C’était un nouveau départ et l’obligation de se refaire encore à une nouvelle vie. Il aimait Toronto. C’était une grande ville où il avait réussi à se faire des amis même si ça avait été un peu chaotique jusqu’à ses dix ans parce qu’il s’amusait à mélanger les langues qu’il connaissait juste pour faire un peu chier tout le monde même son père. Il claqua violemment la porte de sa chambre avant de se mettre sur son lit en rage. Fixant son plafond, il soupira longuement avant d’attraper son ballon de basket et de le faire tourner sur un de ses doigts. Se mordant la lèvre, il se décida enfin avant d’ouvrir sa fenêtre et de sortir de là en sautant sur la branche de l’arbre juste en face de la pièce. Lâchant son ballon pour qu’il puisse atterrir sur le sol, il le suivit rapidement en arrivant sur ses deux pieds, habile comme un singe. Regardant vers la maison, il n’hésita pas un seul instant avant de ramasser son bien le plus précieux et de partir rapidement pour aller voir Luke. Il courut jusqu’à la maison de son meilleur ami. La pluie s’en mêla rapidement pour le tremper complètement. Il s’en fichait pas mal à vrai dire. Arrivé à la porte de Luke, il frappa avec force dessus même s’il était déjà 22h passées (son père rentrant toujours tard). Le blondinet ouvrit rapidement à moitié endormi et en se frottant les yeux, il observa Danny en penchant sa tête sur le côté avant de le faire entrer en s’étirant.
« T’es tout trempé. » « Ah bon ? Je savais pas du tout… » Ils se fixèrent un instant avant de rire légèrement.
« Ma mère pionce, fais pas trop de bruit. » Il l’entraîna avec lui à la salle de bain pour lui donner de quoi se sécher et quelques fringues qui appartenaient à son frère aîné (parce que vu la dizaine de centimètres qui les séparaient déjà à l’époque ce n’était pas Luke qui pouvait lui en donner).
« Il se passe quoi. » Retirant ses fringues mouillés, sauf son boxer, il se changea devant lui en regardant souvent le sol pour ne pas vraiment l’affronter.
« On part… » Luke avait été le premier ami qu’il avait su se faire ici même si ça ne faisait réellement que quatre ans qu’ils se connaissaient, Luke avait été le début à tout. Le blond laissa tomber ce qu’il avait en main pour le regarder complètement catastrophé.
« En vacances hein ? Dis-moi que tu vas en Chine en vacances pendant un mois comme l’année dernière et c’est tout… » « J’aimerai mais non, il a rompu avec Clarisse, demandé le divorce et accepté un autre job en Alaska. » Il redressa enfin sa tête pour l’observer, voir Luke avec les larmes aux yeux lui fit mal au cœur.
« Lucky… commence pas comme ça. J’me sens déjà assez mal de devoir tout lâcher. » L’adolescent détourna alors son regard, puis son corps entier le temps de se reprendre en main avant de sourire à nouveau à l’asiatique.
« Tu dors avec moi ce soir ! On va en profiter rapidement… connaissant ton paternel, tu risques de partir à la fin de la semaine tellement il est impulsif. » Il se mit à rire mais fut rapidement coupé par la tête dépitée de Danny.
« Nan… tu pars sérieusement pas à la fin de la semaine… ? » Dan soupira en baissant ses yeux. C’était suffisant comme réponse, suffisant pour que Luke se retrouve avec quelques larmes tombantes qui marquaient lentement la peau de ses joues.
« J’le déteste…. » « Luke ! » Il était le premier à dire du mal de son Père quand rien n’aller mais il n’aimait pas que lui dise des choses pareilles parce qu’il ne voulait pas que son meilleur ami soit noyé dans la même colère que lui.
« Tu seras loin Danny ! Tu veux que je dise quoi ? On avait des projets ! On avait déjà pensé à la fac, à l’appart qu’on demanderait pour vivre ensemble, à ce qu’on ferait en dernière année de lycée… Tu veux que je dise quoi hein ? Il vient de tout nous retirer pour une connerie ! » Danny le fixa un moment avant de se lever et de l’enlacer. Il n’était pas l’homme le plus tactile du monde, c’était arrivé peu de fois avec Luke à vrai dire. Ou peut-être juste une seule, à la mort du père de celui-ci il y a déjà deux ans.
« ça change rien ! on ira à la fac ensemble… » « Non ça change tout ! Arrête de dire le contraire ! T’es comme ma mère quand Papa est mort ! Non tout n’ira pas bien et oui ça va tout changer ! » Il ramassa les fringues humides de son ami pour les mettre sur le radiateur avant de partir précipitamment pour se coucher. Le jeune chinois resta un moment dans la pièce à fixer le sol complètement dépité par son élan de colère, d’un côté, il était touché de le voir réagir autant, de l’autre, ça lui faisait peur. Il le rejoignit dans la chambre et se posa sur le lit, fixant le plafond avec un bras sous sa nuque. Au bout de quelques minutes, Luke se tourna pour l’agripper contre lui.
« Pars pas… J’demande à ma mère de t’adopter. » Dan se mit à rire avec les larmes aux yeux.
« Elle m’a déjà adopté, tu te souviens pas ? » Une promesse orale faite l’année dernière pour rattraper un anniversaire raté mais qui c’était bien fini malgré tout. Ils rirent ensemble un moment avant de s’endormir de fatigue et de tristesse. Ce fut la dernière fois qu’il vit Luke.
***
« Tu la lâches gros ! » « Va te faire foutre mec, si tu la veux, t’attendras ton tour. » Il s’était mis à rire avant d’observer le salaud qui tenait Tiffany contre un mur.
« J’vais répéter une dernière fois vu qu’apparemment, t’as un cerveau trop lent pour comprendre. Tu la lâches ! » L’autre se tourne exaspéré non sans avoir ordonné à la jeune fille de ne pas bouger, ce qu’elle fit tant elle avait la trouille.
« J’t’ai dit d’attendre ton tour. » Danny se lécha les lèvres pour tenter de garder son calme, en vain bien entendu. Il lui envoya son poing dans la mâchoire avant de lui retourner un coup de pieds dans l’estomac pour l’envoyer au sol. En deux ans, il avait encore pris en taille et muscles. Il se pencha au-dessus de lui et l’attrapa par le col alors que l’autre gémissait comme une chochotte. Ah, c’était beau de faire le salaud costaud devant les demoiselles mais face à un autre mec, il ne tenait plus la route.
« Touche encore une fois à ma sœur et je te refais la face ! » Il la lâcha violemment sur le sol avant d’attraper Titi par le bras et de l’entraîner loin de là avant de la lâcher à nouveau pour qu’elle se puisse se retrouver face à lui encore tremblante.
« Tu te fous de ma gueule ? Je t’avais dit de jamais approcher Nick ! » « Oh ça va hein ! » Elle croisa ses bras en larmes avant d’essuyer sa bouche, dire qu’il l’avait embrassée de force, il l’avait prise pour quoi ? Une putain ? Les hommes étaient tous des salauds quand ils s’y mettaient.
« Tu changeras jamais Tiffany ! » « Toi non plus ! A part hurler et te servir de tes poings, tu sais rien faire ! Tu peux parler de Yuan, t’es pas mieux ! » Elle lui tourna le dos pour commencer à marcher tout en pleurant. Il soupira longuement avant de lui courir après et de la rattraper.
« Titi arrête… » C’était sans doute la première fois qu’il utilisait un surnom avec elle.
« Je suis un gros con, je sais, mais ça m’énerve de te voir si naïve, surtout avec les gars. La vie fait aucun cadeau, à personne ! J’veux pas qu’on te mette plus bas que terre c’est tout ! » Il rangea ses mains dans ses poches, elle semblait minuscule à côté de lui.
« Ecoute, on va faire un truc, tu vas venir avec moi à la salle de boxe et j’vais t’apprendre comment te défendre ! Mais on va y aller mollo pour commencer… T’es petite encore. » Elle avait seulement 14 ans après tout, encore un bébé pour lui. Elle le fixa complètement désespérée, non seulement parce qu’il la prenait pour une gamine mais aussi parce qu’elle avait l’impression qu’il se foutait royalement d’elle.
« C’est ça… fous-toi de ma tronche ! » « Je suis sérieux ! T’as besoin d’apprendre à leur briser les noisettes, je serais pas toujours dans le coin pour t’aider ! » Et elle ne pouvait pas nier qu’il l’avait souvent aidée. Elle fit une petite moue avant de soupirer et d’hocher la tête, acceptant par la même occasion sa proposition. L’un comme l’autre, ils n’avaient pas pensé que cette discussion serait le début d’une amitié solide entre eux, les passant de demi-frère et sœur à frère et sœur. Il l’a pris en main et l’aida à comprendre comment bien se défendre, elle l’aida à devenir plus calme même s’il continuait à cumuler les conneries.
***
« Oh come on, juste parce que je suis dans le coin, ça doit être de ma faute ? » « C’est pas la première fois que tu serais mêlé à des histoires comme ça ! On se tourne et rapidement le Chinois. » « Hey, j’vous manque pas de respect moi ! » « La ferme ! Tourne-toi qu’on puisse te passer les menottes et t’emmener au poste ! » Il les fixa un moment avant de se mordre la lèvre, puis de sourire. Il se lança alors dans une course rapide sous le nez des flics de Fairbanks, il adorait faire ça, l’adrénaline était à son maximum dans les moments comme ça. L’un deux se lança à se poursuite pendant que l’autre remonta en voiture pour le contourner. Il grimpa à un grillage avec agilité, entre le basket, la boxe, l’escrime, l’escalade et le tir à l’arc, il était trop agile et doué avec ses muscles pour se laisser avoir. Il eut un long sourire de satisfaction en voyant le flic coincé de l’autre côté.
« Faut arrêter les donuts dude ! » Il marchait à reculons, allant vers la fin de ruelle, mais elle fut bouchée par la voiture de police. Il grimaça et se recula alors avant de se rendre compte que l’autre poulet essayait de passer la grille comme une dinde. Il soupira et massa ses cuisses pour éviter le claquage, il allait avoir mal aux jambes demain. Il fixa le flic qui sortait de la voiture en râlant autant qu’il pouvait. Danny prit de l’élan avant de foncer sur la voiture, il prit appui sur un pneu, puis sur le coffre avant de sauter sur le toit et de descendre de là, agile comme un chat. Il allait partir en courant quand il entendit le clic d’une détente. Il se tourna et vit le policier avec son arme pointée vers lui. Il leva les mains en l’air en soupirant.
« Vous trouvez pas ça un peu excessif ? J’vous dis que j’ai rien fait… » « Si, tu viens de te foutre de notre gueule ! » Il l’attrapa sans ménagement et lui passa la menotte en les serrant assez fortement pour le faire grimacer. Au bout de presque quatre longues heures, la grille de la cellule s’ouvrit pour le laisser faire face à son paternel. Dépité, Dan se leva pour lui faire face avec un petit sourire narquois sur le visage. Il accusa la gifle lourde et claquante qui s’abattit sur sa joue sans broncher avant de le fixer dans les yeux.
« T’avais besoin de te défouler ? » « Ferme-là ! Va dans la voiture, dépêche ! » Il poussa un long soupir avant de sortir de là. En passant devant le bureau des flics, il salua les deux compères dans un beau sourire hypocrite mais une fois sortit de là, il laissa tout retomber, la colère et la peine avaient investi son visage. Fatigué par tout ça, il entra dans la voiture de son paternel allumant la musique un peu trop fort. Lorsque Yuan revint, il éteignit la radio et fixa la route, les mains sur le volant pour éviter de les avoir sur son fils avec les poings serrés.
« T’as que ça à foutre de ta vie Xiang ? » « Oh ça va hein ! J’sortais d’un bar après avoir vu des amis et ils m’ont pris en grippe directement en m’accusant de trucs que j’avais pas faits ! c’est bon à la fin ! Je ne suis pas toujours le sale petit con responsable de tout ici. » « Si t’as envie que les gens changent de regard alors change d’attitude ! Tu vas droit dans le mur et j’irais pas t’y récupérer, si tu veux te casser la gueule, fais le, mais c’est la dernière fois que j’te paye une caution ou que je te sors de là ! Tu te rends compte à quel point tu me fais honte ? Je suis un procureur, je travaille pour la loi et la justice et toi tu fous toute ma réputation en l’air avec tes putains de conneries ! » Le jeune homme ne disait rien, il n’arrivait pas parler à vrai dire.
« T’auras 21 ans bientôt, je réponds plus de toi ! T’arrêteras la fac à la fin de l’année scolaire, t’auras assez étudié pour trouver un bon boulot, il est temps que tu grandisses et que tu prennes ta vie en main. Arrête de rêver déjà, ça sera bien ! » Il serra ses dents tout en fixant le paysage blanc devant lui. Il détestait son paternel quand il devenait comme ça. Il n’avait pas envie d’arrêter la faculté, c’était le meilleur moyen pour lui de s’entraîner régulièrement grâce aux horaires aménagés et de pouvoir être vu par un recruteur…
« Des fois j’me dis que j’aurais dû te laisser là-bas avec ta mère, t’es bien comme elle, aussi inutile que cher à entretenir. » Le coup de grâce qu’il n’attendait plus. Il tourna sa tête et l’observa avec ses yeux embués de larmes.
« Va te faire foutre P’pa. » Il sortit de la voiture sous la neige et se mit à marcher, mains dans les poches alors que Yuan passa à ses côtés sans même lui adresser un regard. Les jours après furent glacials à la maison…
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