Nom ✦ Blackburn, bien que ce ne soit pas mon nom de naissance. Dans ce qui me semble être une toute autre vie, j'étais connu sous le nom de Fellman. Mais le passé reste au passé, et désormais, ce n'est plus que Blackburn. Prénom ✦ June. Avant, on me nommait Laureen, mais avec le changement d'identité, tout ça, j'ai opté pour June, tout en gardant mon prénom de naissance. Pourquoi ? Parce que je ne veux tout simplement pas nier mon passé. Surnom(s) ✦ Du moment que le surnom n'est pas péjoratif, je me fiche pas mal de comment vous préférez m'appeler. Date et lieu de naissance ✦ Le 22 mars 1993, dans le Nevada. Âge ✦ Aujourd'hui 21 ans. Nationalité ✦ Américaine. Activité ✦ J'adore les enfants, et c'est pourquoi j'ai choisi de faire assistante maternelle. De plus, ça me permet de rester chez moi.  Classe sociale ✦ Malgré des revenus plus ou moins convenables, j'arrive toujours à me débrouiller pour me mettre sur la paille. Je dépense trop sans compter, et il ne faut pas oublier que j'ai un traitement à financer à côté. Orientation sexuelle ✦ Hétérosexuelle, je n'ai jamais été attirée par les femmes. Statut civil ✦ Officiellement célibataire, mais ce n'est pas pour autant que je ne profite pas des petits plaisirs de la vie et de la multitude de mâle qu'elle met à ma disposition, et que j'attends naïvement que le prince charmant viendra me sortir de ma solitude. Date d'arrivée à Fairbanks ✦ Le 26 mai 1999, avec toute la marmaille et maman.  Lieu d'habitation ✦ Evergreen Street, pas trop loin du reste de la famille. Crédits ✦ Tous les gifs viennent de Tumblr.

Ma vie débute quelque part aux Etats-Unis, dans le Nevada. Je ne me rappelle pas beaucoup de ma petite enfance. Bien que pourtant il y ait de quoi s'en rappeler, mon esprit semble l'avoir en grande partie effacée. Tout ce que je sais de part les plus vieux membres de la famille, ceux qui étaient assez grands pour se souvenir, c'est que nous vivions dans et par la secte, que nous subissions un lavage de cerveau quotidien, et que notre père était une personne importante, pour ne pas dire la plus importante au sein de cette communauté. Des souvenirs que j'en ai, je me rappelle avoir admiré mon géniteur, je me rappelle l'avoir vu comme un dieu vivant. L'image qui reste gravée dans mon esprit, c'est celle de cet homme aux cheveux grisonnants, enveloppé dans cette sorte de lumière divine. Quand j'y repense, je crois que ce souvenir est faux, qu'il a été fabriqué, en quelque sorte.

A part ça, je me rappelle vaguement du voyage qui nous emporta ma famille et moi à Fairbanks. Une ville où j'allais enfin vivre comme les autres filles de mon âge, où j'étais libre de penser comme moi je le voulais, et non pas comme on voulait que je pense. Mon papa me manquait, c'était sûr, j'avais besoin de ma figure paternelle, prophète ou non. Heureusement, l'aîné de la famille était là, il apportait l'autorité autant qu'il le pouvait du haut de son jeune âge. Mon nom changea. J'étais désormais June Blackburn. J'étais bien, je ramenais les bonnes notes à la maison, je m'étais fait quelques copains, et j'étais en bonne santé. Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. C'est comme ça que je vois mon enfance. Une période paisible, bien loin de toutes les perturbations que ma vie connaît aujourd'hui.



« C'est pas vrai... »

Je suis assise sur mon lit, les genoux repliés sous mon menton. J'écoute la discussion qui s'enflamme au rez-de-chaussée. Le téléphone avait sonné et depuis, Jamie et maman sont à fleur de peau. Je sais que c'est de ma faute, je sais que ce sont les résultats de mes examens médicaments, je sais que c'est loin d'être un bonne nouvelle et enfin, je sais que je vais coûter cher à partir de maintenant. Je m'autorise à laisser couler quelques larmes, silencieusement, afin d'écouter la conversation, afin de me montrer forte. Ce n'est que le début d'une longue série de sanglots, lorsque je réaliserais vraiment que je suis condamnée, d'une façon ou d'une autre.

Mais ce moment déclencha aussi un déclic en moi. La vie est incroyablement courte. Je suis encore jeune et pourtant, le temps a filé à une telle vitesse... Je devais profiter. A fond. Et c'est là que je commençais à remplir la liste de choses à faire avant de mourir, que je n'ai d'ailleurs toujours pas terminée à l'heure actuelle.

C'est là que moi, June, la petite fille bien rangée et bien sage, je commençais à goûter à la débauche. Au départ, c'était le tabac. Puisque je souffrais d'une leucémie, je ne voyais plus pourquoi je m'interdisais de fumer. Le week-end, je sortais. En boîte, chez des amis. Je profitais du temps qu'il me restait. Je vivais dans les extrêmes, je ne me contentais pas de seulement quelques verres pleins d'alcool, je ne refusais pas les nombreuses drogues qui pouvaient me passer sous le nez – littéralement –, je goûtais à l'excès aux plaisirs de la chaire. En faisant cependant tout ce qu'il fallait pour que les membres de ma famille n'en sachent rien. Quand je sortais, ça devait toujours être sans bavure. J'ai bien cru que j'allais me faire pincer, un jour ou l'autre. Mais ça n'arriva qu'une seule fois. J'avais peut-être soulevé des soupçons dans les esprits, mais il n'y eut qu'une seule personne pour me faire une seule réflexion. Et si les autres le savaient vraiment, s'ils ne m'avaient rien dit là-dessus, c'était sûrement parce qu'ils me comprenaient. Dans un sens.

Gabriel m'avait un jour démasquée. C'était une nuit où je m'amusais encore à faire le mur. Il était vraiment tard. Tellement tard à vrai dire, qu'il était tôt. J'ouvrais discrètement la porte d'entrée, ramassais le journal au cas où je croiserais quelqu'un dans la cuisine, pour avoir une excuse à fournir par rapport à ma sortie (même si je n'avais aucune excuse pour ma tenue), mais il n'y avait personne. Je montais les escaliers lentement, doucement. Je pénétrais dans ma chambre, éclairée par la vieille ampoule qui la surplombait. C'est ce détail qui m'avait alarmée. Je n'oubliais jamais d'éteindre la lumière avant de partir. Je sursautais en me retournant : Gabriel était assis en tailleur sur mon lit, le regard tourné vers la fenêtre. Je m’affalais à mon tour sur le lit, face à lui, en silence. Qu'est-ce que je devais dire, de toutes façons ? Il était clair que je n'étais pas juste sortie chercher le journal. Il brisa le silence.

« T'étais où ? »

S'ensuivit une autre de ces discussions animées que nous partagions régulièrement avec mon jumeau. Les mots étaient murmurés pour ne pas réveiller les autres, mais ils blessaient tout autant. Même si mon frère ne me qualifia à aucun moment de dépravée, de débauchée ou de pute, les reproches que je pouvais lire dans le ton qu'il employait étaient mordants. Pour la première fois depuis que j'avais entamé mon périple de rebelle je me sentais coupable. Coupable d'en faire baver toute la famille, coupable d'agir ainsi. Je me rendais enfin compte de la stupidité de mes actions. Je m'excusait. Plusieurs fois. Et Gabriel me pardonnait. Nous passâmes le reste de la nuit là, assis l'un en face de l'autre sur le lit, à discuter, tout simplement. Je m'attendais à ce qu'il en parle avec le reste de mes frères et sœurs, mais il n'en fit rien. Et c'est ce secret qui nous rapprocha.

Mais quoi qu'il en soit, cette période était révolue. Quelques mois après mes incroyables expériences en tous genre, maman décéda. Encore un autre bouleversement dans ma vie. Encore un imprévu. Sur l'incroyable liste que j'avais dressé, je n'avais pas une seule fois pensé à noter qu'il fallait que je dise à ma mère combien elle comptait pour moi, combien je l'aimais et combien à présent elle me manquait. C'est là que j'arrêtais mes conneries puériles. Enfin... que je les réduisais. Une fois que nous nous habituons à nos démons, nous n'arrivons pas à nous en débarrasser. Mais maman m'observait peut-être de là où elle était, et de la décevoir était bien la dernière chose que je voulais. Je l'avais déjà quasiment tuée avec la maladie dont j'étais censée être la seule victime, je ne voulais pas la décevoir, je ne voulais pas qu'elle croit que tout ce qu'elle a donné pour moi était vain. J'allais continuer à profiter de la vie, mais cette fois-ci plus sainement.



Peu de temps après, Gabriel et moi avions décidé d'emménager dans notre propre appartement. Avec le fameux secret que nous partagions, la confiance et la complicité qui s'étaient petit à petit installées dans notre relation, je ne me voyais plus me passer de lui. Ce frère que je ne pouvais parfois plus supporter était devenu mon meilleur ami. Et après le départ de l'aîné de notre fratrie, il fallait l'annoncer à Jamie, lui annoncer qu'elle allait perdre deux autres de ses frères et sœurs. Non, perdre n'est pas le mot. Disons... s'éloigner. Nous avions décidé de rester dans le même quartier qu'elle, afin de pouvoir lui rendre visite et inversement aussi souvent que possible. Comme nous nous y attendions, elle n'acceptait pas l'idée avec un grand sourire, mais nous avions les arguments. Et nous avons ainsi obtenu ce que l'on voulait.

Il fallait trouver un travail pour subvenir à nos besoins. Alors que Gabriel était déjà entré dans la vie active, je proposais mes services en tant qu'assistante maternelle, après une formation en accéléré. J'adorais les enfants, et ce métier me forçait à ne pas retourner dans mon penchant à la débauche. Je m'autorisais toujours quelques sorties de temps à autres, oubliant quelques instants les soucis qui hantaient ma vie.

L'absence des autres, l'absence du père et de la mère, la solitude, l'absence de Gabriel lorsqu'il travaillait, seule la présence des enfants que je gardais... je déprimais. Mes idées noires remontaient, j'avais l'impression que la leucémie gagnait de plus en plus de terrain sur mon pauvre corps, mais ce n'était peut-être que psychologique. Je crois que j'attendais cet appel, celui d'Hazel. Hazel, c'était une amie du lycée, nous nous fréquentions régulièrement, mais depuis la remise des diplômes je n'avais plus eu de nouvelles de sa part. Le téléphone sonnait, et lorsque je décrochais, elle n'attendit pas que je place un seul mot pour jouer les hystériques à l'autre bout du fil. Après de longues minutes à tenter de la calmer, elle m'annonça qu'elle venait de se fiancer, et qu'elle voulait fêter cet événement avec toutes les personnes qui avaient de l'importance.

J'avais du mal à avaler ces derniers propos. Trois années avaient passé sans qu'elle ne m'appelle, sans qu'elle ne m'écrive, sans que je reçoive la moindre nouvelle, trois années passées sans que j'en fasse de même. Je crois qu'elle cherchait juste à étaler son bonheur devant le plus de monde possible. Quoi qu'il en soit, j'acceptais son invitation. Je me rendais à sa petite réception et fit la rencontre de l'homme parfait. Grand, blond, musclé, sexy, capable de tenir une conversation intelligente et très aimable. Son défaut ? C'était lui, le fiancé d'Hazel. Paul. Cette fois-ci définitivement désespérée, je ne me retenais plus sur l'alcool, et j'avais carrément fini par oublier de compter combien de verres de vin je m'étais enfilé. Je ne me rappelle plus très bien ce qu'il s'est passé par la suite, est-ce que lui aussi était alcoolisé, est-ce qu'il était finalement revenu sur ses engagements, je n'en sais rien... Mais lorsque je recouvrais mes esprits, je réalisais que j'avais couché avec le fiancé de mon ex-meilleure amie (celle qui ne risquait pas de le redevenir en tous cas) pendant qu'elle avait le dos tourné.

S'ensuivit de longues semaines pendant lesquelles j'étais rongée par la culpabilité. Comment est-ce que j'avais osé faire ça à Hazel ? J'espérais qu'elle n'en saurait jamais rien. Est-ce que Paul lui avait tout avouer ? J'espérais que non. Je me sentais coupable d'avoir trop bu, je me sentais coupable d'avoir trahi sa confiance, mais surtout, je me sentais coupable d'aimer celui qui allait être son mari. Et puis, encore une fois, le téléphone sonna. Encore elle. Visiblement, elle ne se doutait de rien. Elle voulait que nous renouions contact, et n'ayant pas vraiment d'arguments pour m'y opposer, j'acceptais un restaurant, puis une soirée cinéma, etc. Je me rapprochais de plus en plus de Paul, inexorablement et dangereusement. Et, toujours dans son dos, nous nous sommes rapprochés, bien plus qu'elle ne le pensait. Multipliant les rendez-vous, encore à son insu, nous partagions nos moments d'intimité, calés sous des prétextes absolument bidons.

Je ne sais pas où cette histoire va me mener, j'avoue en avoir honte. A tel point que je n'en ai rien dit à Gabriel, à qui j'ai pourtant déjà tout confié, et encore moins à Jamie, à Léo, ou aux autres. Voler le fiancé d'une amie d'une telle façon, c'était tellement ignoble et pourtant, je ne peux pas m'en empêcher. Je ne sais même pas si Paul a les mêmes sentiments à mon égard que ceux que j'éprouve pour lui, je préfère fermer les yeux et décider que je profiterai de ma vie à fond. Quoi qu'il m'en coûte. Simplement, si un jour Hazel venait à l'apprendre, je voudrais être déjà six pieds sous terre.